mardi 7 avril 2009

Portrait : le blogueur

Aujourd'hui, il est de bon ton de se congratuler de l'existence du web 2.0. On peut laisser des commentaires sur des blogs ou des sites, échanger avec n'importe qui de n'importe où. Plus personne n'est obligé de rester silencieux, puisqu'il n'y a rien à faire de spécialement compliqué pour communiquer. Les réglages de logiciels, l'interface grisâtre de Windows 98, les recherches ardues à travers une Toile flottant ça et là comme un ensemble d'îlots, c'est fini ! Le web 2.0 est plus égalitaire, plus cool, plus op et plus in, alors forcément on opine.
Pourtant, on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine nostalgie quand on pense au web 1.0. A l'époque du HTML, des pages persos, du client Outlook à configurer, des serveurs IRC super durs à trouver, avec dessus un tas de baroudeurs du web et de cyber-djeunz connectés pêle-mêle. Certes, c'était chiant et il fallait s'y connaître un peu en informatique, mais ça avait son charme. Les frames, les backgrounds pourris qui éclataient les yeux étaient autant d'obstacles à vaincre pour trouver ce qu'on voulait, tout comme les moteurs de recherche plus ou moins bons. C'était l'époque où Google, brillante entreprise rivalisant avec un Microsoft en perte de vitesse, ne régnait pas encore en maître absolu du World Wide Web. On n'avait pas d'accès immédiat à l'information : pour trouver, il fallait mettre le cerveau dans le cambouis virtuel, faire marcher ses neurones, et on exultait devant son écran quand on parvenait enfin à avoir son site perso ou à envoyer une image à quelqu'un après des heures et des heures de codage semi-manuel.
Fini, tout ça ! Désormais, Internet est un pêle-mêle hyper-attractif, où il n'y a plus de distinction entre "acteurs" et "spectateurs" du Web, si tant est que cette définition pompeuse ait jamais eu un sens. Désormais, tout le monde peut donner son avis immédiatement. Le bidule à commentaire est là, plus besoin de client pour envoyer des mails, plus besoin de mails non plus : il suffit de taper trois mots, et hop, on a donné son avis sur tel ou tel truc à la planète entière. Même plus besoin de surveiller son orthographe. Internet est devenu un bordel de facilité, où on trouve absolument tout ce qu'on veut en un clic. Le problème, c'est que "ce que l'on veut" n'a plus de saveur. Sans effort pour le trouver, ce n'est plus une récompense. Et si on ne fait plus d'effort, l'habitude de travailler est remplacée par un glandage systématique façon zapping télévisuel. Malgré les innombrables informations disponibles en ligne, plus personne ne fait l'effort de chercher et la Toile n'est plus qu'un gigantesque hangar bordélisé où n'importe qui peut se téléporter n'importe où, comme dans Second Life, jusqu'à l'ennui. Mais c'est cool, parce que comme tout le monde peut parler, et il n'y a plus de différence entre le mec intelligent qui réfléchit et le premier triso venu qui poste son avis en trois lignes farcies de fautes d'orthographe.
Dans cette jungle, il y a un "acteur" (lol mdr) qui joue un rôle super-important, c'est le blogueur. Inutile de dire ce qu'est un blog, vous n'êtes pas assez has-been pour ne pas le savoir (à moins de vous appeler Grand Gilles ou OGKévin, mais c'est une autre histoire...), alors passons directement à la description de ce drôle d'oiseau.

Véritable ténia virtuel, le blogueur est avant tout un abruti fini. Enfin, dans 90% des cas, puisque nous-mêmes faisons partie des 10% restants. Chié en droite ligne du rectum de l'égalitarisme ambiant, le blogueur peut être celui qui lit des articles sur un site d'informations. Mettons, rue89. En les lisant, il se dit : "Pourquoi je ne serais pas une source d'informations, moi aussi ? Allez, je vais devenir un journaliste citoyen, comme ça je vais pouvoir informer plein de monde et je contribuerais à l'abrutissement généralisé l'élévation critique de l'humanité". Ou alors, il voit le blog d'un de ses potes et s'aperçoit qu'il y a des commentaires dessus. Il se dit alors : "Ouah ! Mon pote, il a des gens qui viennent le voir et qui lui laissent des commentaires ! C'est trop cool ! Moi aussi, je veux ça !". Dans les deux cas, il va s'y mettre. Bien évidemment, le fait que les articles de rue89 soient écrits par des journalistes professionnels, avec carte de presse et abattement de 30% sur leurs impôts, ne lui est pas venu à l'esprit, pas plus que ses faibles notes en rédaction quand il était au lycée, il n'y a pas si longtemps, ni même ses fautes d'orthographes récurrentes. De toute façon, tout le monde est pareil et tout se vaut, alors pourquoi lui ne pourrait pas faire pareil que rue89 et se prendre pour une source d'information à part entière, quand bien même ses articles ne seraient que des repompages et des copié-collés ?
Le blog est le symbole parfait de l'égalitarisme. A force de rejeter la moindre tentative de hiérarchisation, en refusant que certaines choses puissent être plus belles ou mieux faites que d'autres, on se retrouve avec un énorme tas de merde dont chacun tire une petite satisfaction en disant ici ou là : "c'est moi qui y ait contribué !". Bien souvent, le blogueur a une mentalité de crétin prétentieux qui donne envie de le pourrir à coups de commentaires aussi débiles que ses articles. Il croit que sa vie est exceptionnelle, super-intéressante, et s'imagine que plein de gens vont aussitôt y faire attention, dès qu'il la racontera sur son blog, en oubliant qu'il y a déjà cent mille boulets comme lui qui le font déjà. Jpop trash le disait il y a deux ans, c'est encore plus vrai aujourd'hui : ceux qui ont une vie intéressante sont trop occupés à la vivre pour la raconter, ceux qui n'ont aucune vie et s'emmerdent font un blog pour oublier qu'ils s'ennuient. Hélas, ils n'ont rien à raconter...
Rien à raconter ? Il n'y a pas de contenu, alors ? Non, mais il y a des articles quand même ! Car pour meubler ce vide terrifiant, le blogueur se croira habilité à donner son avis sur tout. Comme si ça pouvait intéresser qui que ce soit d'entendre pour la énième fois des discours déjà longuement ressassés, et politiquement corrects qui plus est, les mêmes qu'on entend à la télé mais qui sont ici moins bien dits vu que le blogueur n'a aucun style. Bien qu'il ne pense pas par lui-même, le blogueur s'exprime. Ou plutôt, en croyant s'exprimer, il vomit la même purée qu'on entend dans les médias ou au café du commerce. Arguments à deux balles, jugements simplistes et attaques personnelles sont de rigueur. Et si on ose dire qu'on n'est pas d'accord avec lui dans les commentaires, on se fait traiter de troll.
Curieusement, le blogueur est souvent de gauche. Il y a aussi des blogs de droite, comme la "réacosphère", mais celle-ci est déjà plus digne d'intérêt : elle est politiquement incorrecte, contient un discours un tantinet différent de celui des médias ; on y trouve des nuances subtiles entre chaque blog (bon, ok, le mot "subtiles" est de trop) et c'est souvent mieux écrit que d'ordinaire. Ces blogs-là ne sont pas très nombreux. Non parce qu'ils sont politiquement incorrects, et qu'on les ferme, mais parce qu'on ouvre d'abord un blog pour se faire mousser et qu'en général la patience ne suit pas. C'est marrant au début, puis rapidement on a la flemme de le mettre à jour, alors on le ferme et il disparaît rapidement dans les abysses du Net. Du côté de la majorité des blogs, c'est-à-dire côté gauchiste militant ou plus généralement je-raconte-ma-vie-en-donnant-mes-opinions-vaseuses-à-tout-le-monde, le politiquement correct est le trait dominant. Le blogueur moyen est anti-Sarko, bloqué sur le "casse-toi pauv'con" (il est bien sûr trop inculte pour savoir que Chirac était réputé pour son peu de politesse avec les députés, et oublie totalement les différences entre l'époque des portables-caméras omniprésents et celle des seules caméras de télévision), écologiste, pro-Obama et anti-Le Pen. Quelquefois, il met des messages militants, écrits par lui (donc mal écrits) ou copié-collés ailleurs. Il se prend alors pour un transfuge de la vérité, défenseur des bonnes causes et citoyen super courageux contre des méchants droitistes qu'il ne voit jamais mais se plaît à imaginer, sans se rendre compte qu'il enfonce des portes ouvertes et que son donnage d'opinion n'est ni original ni intéressant. Le reste du temps, il raconte sa vie, met des photos de lui et de son chien, fait des private jokes avec ses potes et regarde son compteur de commentaires toutes les dix minutes.
Car oui, le blogueur ne fait rien d'intéressant mais il croit tout de même qu'un jour il aura du succès. Certains blogs pourris ont du succès ; souvent, ce sont les plus débiles, car les trucs merdeux sont ceux qui marchent le mieux mais notre blogueur est un peu moins mauvais que ces trucs-là. En fait, il est dans la norme, noyé dans le ventre mou du milieu. Là où il est, on ne le voit pas. Et si on le voit, on ne le retient pas. Ni son racontage de vie permanent, ni ses opinions toutes faites, ni même ses échanges de liens avec d'autres crétins de son espèce ne lui amènent le succès tant espéré. Son petit joujou tourne toujours à quinze visites par jour, dont la moitié sont de lui et l'autre moitié de ses potes. Il est d'ailleurs amusant de voir que beaucoup de blogueurs, surtout des blogueurs antifas, n'aiment pas Politrash. Ca les fait rager de voir que nous alignons des dizaines de commentaires sur chacun de nos articles, sans faire la moindre publicité ailleurs, alors que lui passe sa journée à laisser des com's inintéressants sur d'autres blogs en mettant l'adresse du sien pour attirer du monde...
Ce qui fait le plus pitié, dans ces blogs, c'est leur style. En fait, la forme et le fond ne font qu'un : le blogueur écrit mal, n'a rien à raconter et fait des fautes. Ca a au moins un avantage, celui de faire immédiatement le tri entre les articles copié-collés et les billets personnels. Les premiers ne contiennent pas de fautes, les seconds en contiennent une par mot. Le style bloguesque, c'est avant tout une tartine insipide de sentimentalisme à deux francs. Une mini-loghorrée, synthétisée juste ce qu'il faut pour être à peu près lisible, avec un ton un peu intimiste, histoire de donner à l'internaute moyen sa dose de vie sociale quotidienne à travers un communautarisme contrefait. En général, c'est écrit comme un défouloir, mais le bloggueur pense à ses lecteurs : il n'ose pas aller au bout de ses idées, d'une part parce qu'il ne veut pas courir le risque d'être étiqueté, d'autre part parce qu'il est lui-même une couille molle qui n'ose rien dire d'un tant soit peu radical, surtout si ça risque d'être politiquement incorrect. Curieusement, les bloggueurs ont presque tous ce (mauvais) style d'écriture qui donne l'illusion d'une intimité entre lui et l'internaute, mais qui se révèle vite chiant à mourir, dans la mesure où il ne contient ni véritable information, ni véritable sentiment.

Le phénomène des blogs est une conséquence parfaite de la société qui l'a vu naître. Un blog, c'est avant tout un racontage de vie, un donnage d'opinion et une réserve de photos ou de privates jokes. Celui qui en créée un érige un temple à sa propre gloire, mais le lieu qu'il anime lui correspond bien : ennuyeux, insipide et faux. Que le blogueurs racontent des conneries à longueur de temps, passe encore, ils n'ont pas assez de capacités intellectuelles pour faire autrement... mais pourquoi s'obstinent-ils à écrire dans ce style merdeux qui ressemble autant à celui de Charlie Hebdo, en plus intime ? Même dégueulis, même dogmatisme étroit, même donnage de leçons et parfois même humour scatophile. Peut-être est-ce justement l'influence des "chroniques", tribunes libres à deux balles ou autres charlieteries qui donne aux blogueurs leurs principales munitions stylistiques. Ce qui donne au final un truc chiasseux recevant à grand-peine 15 visites par jour. Hé oui, il n'y a de place que pour un seul Charlie Hebdo, même sur le Net !
A trop faire dans l'inutile et le facile, on ne fait rien du tout. Au fond, le blog est comme le web 2.0 : égalitaire, facile de partout, et finalement saturé par la connerie du troupeau.

6 commentaires:

  1. Adolfo Ramirez8 avril 2009 à 09:12

    Ha ha, je parie que cet article va être conspué de commentaires du genre "bouh, pourquoi t'ouvres un blog alors ?"

    Sinon, moi la réacosphère elle me fait doucement ricaner. Militer c'est dur, ouvrir un site internet aussi, alors un blog c'est mieux. De toute façon ILYS ou Club Acacia je pense pas que grand monde les lise. Ca n'est pas fun. Et puis je ne suis pas d'accord avec eux, en général, je ne suis pas réac.

    Pas mal l'article sinon... Par contre le phénomène du "journaliste citoyen" s'illustre pas trop sur les blogs qui sont souvent (dans 80% des cas) des pages dégueulasses tenues par des jeunes de merde qui racontent leur vie dont tout le monde se branle. Ou alors ce sont des blogspots sur lesquels les gens volent des films ou surtout de la musique. Le "journalisme citoyen" c'est plus sur les sites en truc vox, où des abrutis de beaufs s'imaginant tout savoir mieux que les "élites", les "intellectuels" ou je sais pas quoi (enfin mieux que les gens qui sont spécialistes du sujet) tartinent des pages de leur science. Et la science c'est comme la confiture, comme disait le grand prophète.

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  2. Fort intéressant article; et tout un chacun, dans la blogosphère, pourra se reconnaître à l'une ou l'autre de vos lignes, pour peu qu'il soit un tant soit peu modeste. Assez d'accord, en particulier, sur le genre "mainstream" des opinions véhicules dans la blogosphère. J'y ajouterais l'antipapisme primaire.

    Cela dit, vous semblez évoquer le 90% des blogs qui sont à jeter - mais ne parlez guère des 10% qui vous semblent intéressants, ni de la zone grise qu'il y a certainement entre les deux.

    Merci, cela dit, pour ce bon moment de lecture - bien structuré et écrit sans faute, ce qui est appréciable et mérite d'être relevé.

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  3. Drôle cet article. Merci pour le divertissement.

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  4. toujours aussi drôles et mesquins votre style me fait penser aux mien je vous adore !
    A quand un article sur la jeunesse française par catégorie ? car il n'y a pas que les antifas?
    A quand sur les gauchistes les "fashion" les beaufs etc etc etc.........
    Bravo
    par contre votre style et votre vocabulaire est trop souvent le meme ce n'est vraiment pas varié

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  5. c'est marrant, mais dès que vous parlez d'autre chose que des fafs/antifas tout le monde à l'air de s'en foutre.
    Vous vous foutez de la gueule des gens qui font vivre ces guégerres virtuelles, mais vous n'existez qu'à travers ce que vous critiquez. Ni plus ni moins. Alors que dans le fond tout le monde s'en branle, vous avez ouvert un véritable forum sur le phénomène. Pour dire que ceux qui en parlent sont des branleurs...
    Je trouvc ça un peu paradoxal.

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  6. Allez, vardon, aujourd'hui, c'est ton anniversaire, alors tu peux me foutre la main dans le cul jusqu'au coude... Alors, vardon y va, il entre sa main, puis gaetan lui dit, oui, ouiiii, allez plus au fond, plus à gauche, oui, tu brûles... Et gvardon trouve ... une montre ... gaetan chante alors "Joyeux anniversaiiiiire"

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