samedi 25 avril 2009

Les Vilains - Internet Warrior



Spéciale dédicace au 187 forum, et à Morsay, qui semble faire son come-back sur Dailymotion.

mercredi 22 avril 2009

Portrait : le skinhead

Beaucoup de livres ont été écrits sur la "culture skinhead". Beaucoup d'études sociologiques, de (mauvais) romans et d'articles de journaux ont tissé le mythe des dangereux crânes rasés, pourtant aucun d'entre eux n'a su montrer une chose toute simple et vraie, à savoir qu'ils étaient des crétins. C'est pourtant évident : des mecs qui ont pour devise "bière, baise, baston" ne peuvent pas être des diplômés en physique nucléaire... Né de l'ennui des jeunes prolos anglais, le mouvement skin s'est répandu dans toute la lie de l'Europe, notamment en France dans les années 80. A vrai dire, il n'a pas attiré énormément de monde, mais les manières peu enviables de ses membres ont fait parler d'elles.
Aujourd'hui, ce mouvement est quasi mort, cependant quelques adolescents continuent de porter le flambeau. Fafs, antifas ou apos, ils ont les cheveux ras, des docs martens, des bombers serrés et continuent de faire vivre le skinisme. Comment s'y prennent-ils ?

Thomas Peterson l'a montré dans "This is England" : ceux qui deviennent skins ne sont pas de terribles sadiques hyper-dangereux, complotant activement contre l'Etat et la paix civile, mais simplement des paumés. Si vous avez vu le film, pensez à Combo, ce skin qui dit que le nationalisme est l'union des noirs et des blancs sous un même drapeau, avant de traiter son pote black de "sale nègre" deux minutes plus tard. Dans l'un et l'autre cas, Combo croit en ce qu'il dit, malgré la contradiction évidente de ses propos. Il n'agit pas par "racisme", "haine" ou pour créer à lui tout seul les conditions possibles à un renouveau du troisième reich, en fait il est simplement paumé.
Quand il était ado, il aimait faire des conneries. Sociopathe, infoutu de respecter les règlements, pas assez malin pour ne pas se faire prendre, il aurait pu devenir une racaille si le destin n'en avait pas décidé autrement. Un jour, au hasard de ses pérégrinations dans la cour de récré ou dans la rue, il va rencontrer des mecs avec un look viril. Crâne rasé, grosses chaussures, une gueule de six pieds qui donne l'air de dire "me regarde pas ou j'vais te défoncer", il a tout de suite accroché. Les grosses pompes en particulier l'ont attiré : à ses yeux adolescents, ces lourds morceaux de cuir symbolisaient la puissance, la force, la virilité... Il a donc craqué sa tirelire pour acheter une paire de Docs, de préférence montantes, et il a fréquenté les autres mecs qui en portaient. Le reste s'est fait tout seul.
Malgré son côté marginal, le skinhead est avant tout un mouton. Enlevez-lui ses potes, il est tout seul avec son look et il se cache. Avec eux, il se sent puissant et n'hésite pas à défier d'autres bandes. Le skin fonctionne un peu comme la racaille : tout dans
le look, dans l'attitude et dans la rue. En effet, le mouvement skin est un mouvement de rue. Comprenez que ce mouvement ne créée rien. Les fans de nautisme aiment la mer, les fans de nage se retrouvent à la piscine, les mélomanes dans les conservatoires, les rockeux à des concerts, les skins dans la rue. Infoutus de rentrer ou que ce soit, ou simplement de se déplacer, ils se posent à un endroit précis et n'en bougent plus. Ce n'est pas pour rien que certains skins se disent "Skins de Tel Endroit", "Skins de Bidule-Truc", tout comme les racailles se disent membres de la "Neuf-Trois Crew" ou du "Sept-Six Industrie". On s'installe dans une zone, on squatte la rue. Petit à petit, on prend l'habitude de voir les mêmes murs sales et les mêmes cacas de chien à côté de soi. On s'identifie à l'endroit où on squatte, et au lieu de chercher plus loin, on se construit soi-même sa propre prison mentale. Ne cherchez pas cet ultra-tribalisme ailleurs que chez les skins ou les racailles : toute personne plus intelligente les évite comme la peste. Même les footeux, pourtant peu suspects d'être malins, ne sont pas aussi tribalistes. Ils encouragent une équipe, une bande, mais ils ont au moins un point commun qui est celui de la ville supportée. Les skins peuvent l'avoir aussi, seulement ils préfèrent leur petite rue minable ou leur quartier pour se la jouer. Applaudissez donc le Javel Crew...
A la base, le skin n'est pas spécialement politisé. Il aime la bière, la baston, se la jouer loubard tout en ayant l'impression d'être plus fort et plus viril qu'un keupon pourri aux cheveux rouges. Son trip, c'est porter des vêtements, squatter à un endroit. Le skin se veut soldat de la rue sans avoir la discipline stricte qui règne dans l'armée : d'où le fait que pleins de skins se disent street warriors, amateurs de bagarre et de trucs hyper-violents tout en ayant un comportement indiscipliné. Au fond, le skin n'est pas si différent du punk. Même côté provocateur, même complaisance dans l'antagonisme, même petits délits qui peuvent provoquer des arrestations occasionnelles, mêmes origines petites bourgeoises la plupart du temps. Eh oui : le trip working class, c'est du mytho ! Comment voulez-vous qu'un smicard puisse s'acheter un bomber à 120 euros chaque mois, des docs à 150, toute une collection de jeans serrés et de t-shirts hors de prix, sans compter les matraques télescopiques, gazeuses et autres merdes dont il se sert beaucoup moins souvent qu'il ne le dit s'il gagne à peine 1100 euros net par mois ? Soit le skin vit chez ses parents, et est donc un Tanguy rebelle de la société, soit il vient d'un milieu privilégié qui lui permet d'enrichir les marques "skinisantes" sans compter ses sous. Quand on vient de la working class, la vraie, on a autre chose à foutre que de se balader en bombers en buvant des bières tous les week-ends.
D'autant que si le skin "assume son trip", qui n'est rien d'autre qu'un tas de sapes hors de prix et du dégueulis musical dans l'iPod, il n'a même pas le courage d'aller jusqu'au bout. Nombre de jeunes skins ont les cheveux courts, mais pas rasés, car maman ne veut pas. Déjà qu'elle accepte les docs et les t-shirts d'un goût douteux, c'est gentil de sa part, alors les cheveux, non... Le skin n'est intéressé que par une seule chose : paraître. Être vu par ses potes, être vu par les passants de l'endroit où il traîne, être vu comme un grand méchant par les médias (bien sûr, le skin crache sur les médias mais il est bien content qu'on y parle de lui). Il existe dans le regard des autres. Sa quête de virilité est totalement placée dans cette optique-là, d'ailleurs. Combien de skins de tous bords enjolivent leurs histoires de baston, passent leur temps à en raconter et à faire des concours de bite avec la bière ?

Le skin n'est pas forcément entré dans son mouvement par la voie de la connerie. Souvent, il y rentre par l'action politique. Imaginons un ado qui se fait emmerder par des racailles dans son lycée. Il est jeune, révolté, ses hormones sont en ébullition : ce qu'il veut, ce n'est pas des discours politiques en pagaille ou des mots creux, mais de l'action, de la revanche. Il va donc faire des recherches, découvrir par les médias ce terrible ennemi de la démocratie qu'est le milieu faf. La démocratie, lui, il s'en fout : ce n'est qu'un mot vide. N'écoutant que ses hormones et sa soif de revanche, notre ado va foncer tête la première dans l'extrême droite la plus radicale qu'il puisse trouver. Soit il devient internet warrior, parce qu'il ne trouve pas de fafs près de chez lui, soit il devient simplement faf, soit il devient skin. Dans ce dernier cas, il s'associe à sa bande de potes en imaginant qu'il va y régler tous ses problèmes, qu'ensemble ils changeront le monde et que tout sera mieux. Mais bien vite, il oublie pourquoi il était venu, devient comme ses potes. Comme eux, il se met à picoler comme un trou, s'identifie aux t-shirts ou aux chaussures qu'il porte, et c'est tout. Oubliée, l'action politique et tout le reste ! Être avec ses potes est déjà bien fatiguant. Les bagarres de temps en temps, les empoignades entre bandes, fournissent l'essentiel de son quotidien. A force de s'identifier avec le mouvement skin, notre homme devient un déchet de la rue, comme ses potes.
S'il est néo-nazi, ça lui fait pousser des ailes. En effet, le skin est avant tout un antagoniste volontaire, un abruti imbibé d'alcool qui se complaît dans le rôle du méchant. On ne va pas le plaindre, il fait tout pour ça. A partir de ce moment-là, être nazi, c'est cool : il effraie les gens et trouve un modèle esthétique qui le dépasse largement. Conditionné par les médias, par les antifas et par ses propres branlettes, le skins NS se prend pour un SS. Dorénavant, il n'est plus un simple skin : sur lui vole l'ombre des uniformes noirs, des français tombés sur le front de l'est, de ceux qui ne comptaient plus le nombre de fois où ils avaient mis leurs vies en péril... Bien sûr, il n'y a strictement rien à voir entre un waffen-SS qui se battait par moins trente degrés, avec pour seule arme un fusil gelé et pour seule espérance une mort toute proche, et un obèse en docs martens qui lève le bras droit après avoir bu trois panachés. Le skin NS est une sorte de version extrême du faf de base, en ce qu'il est plus mythomane, plus con et qu'il se fout complètement du fait qu'il décridibilise son mouvement. Au moins, le faf de base essaie de se ménager une image relativement correcte, en se prenant pour un dévot ou un néo-croisé, et évite les références historiques trop sulfureuses. Le skin, lui, s'étale dedans, joue à fond la carte du méchant loubard dangereux et balance sa merde sur tous ceux qui refusent d'aller aussi loin que lui. Pour cette raison, certains fafs appellent les skins des "trisomiques 88", bien qu'ils soient eux-mêmes des mythomanes consommés.
Les skins antifas ne sont pas très différents. A la base, ils sont devenus skins parce qu'ils voulaient être des racailles, mais ils avaient besoin d'un vernis politique pour justifier leur mode de vie à la con - vernis dont les racailles ne s'embêtent absolument pas. Un skin antifa est avant tout un mec qui fait des conneries, qui défie constamment tout le monde, tout en éprouvant le besoin d'être bien vu. Comme la racaille, il se victimise, assène aux gens un discours mi-larmoyant mi-belliqueux parsemé de fautes d'orthographes, et comme la racaille il n'aime pas la police. L'antifa n'aime pas l'ordre. Il se sent impuissant face à lui. A la fois lâche et dominateur, il a besoin de s'imposer, de montrer qu'il existe, sans avoir pour autant le courage de l'assumer. Par exemple, en faisant en tag ou en cramant une poubelle : s'il fait ça, c'est avant tout pour se prouver à lui-même qu'il est capable d'agir et qu'il est quelqu'un.
L'attirail politique "antifasciste" tourne entièrement autour de cet impératif. Si l'antifa est anti-flics, c'est parce que les flics l'empêchent de faire les conneries qu'il veut, et il se sent limité par leur existence. S'il est antifasciste, c'est parce qu'il n'est pas foutu de s'attaquer à autre chose qu'à des gens qui sont déjà des boucs émissaires publiques, et parce qu'il a besoin de se croire un super guerrier isolé alors que tout le monde a de lui une image bienveillante. Evidemment, l'antifa n'a jamais gagné la moindre once de maturité depuis ses quatorze ans, âge où il a acheté son sac Eastpak et ses premiers patchs à coudre dessus, et il ne lui est jamais venu à l'idée que l'ordre public pouvait avoir besoin d'un facteur coercitif pour être maintenu. Ou plutôt, il en est conscient, mais refuse d'admettre que ça puisse être aussi le cas pour lui. Non, le skin antifa n'a pas à être au-dessous des règles comme tout le monde, lui il est brave, il est antifasciste, il résiste contre un danger qui est mort depuis soixante ans, alors on ne la lui fait pas à lui.
Ce n'est pas pour rien que le skin antifa n'a strictement aucun projet positif : il est anti-ceci, anti-celà, jamais pour quoi que ce soit de positif. Comme le gauchiste standard, il passe son temps à monter au créneau et à accuser les gens sans rien proposer (si ce n'est l'exécution publique des gens qu'il n'aime pas). Seulement, le skin antifa est plus extrême que le gauchiste standard ; il boit plus, possède moins de vernis intellectuel et n'hésite pas à se poucaver ses potes quand il se fait arrêter - alors que le gaucho standard ne se fait pas arrêter puisqu'il ne tape jamais personne.

En dépit de cette opposition, le milieu skin n'est pas strictement divisé en deux avec les fafs et les antifas, ni même en trois avec les apos. Le skin se sert de la politique pour donner une coloration supplémentaire à son trip. S'il arrive à aligner quelques mots pour faire une phrase, ce n'est jamais que du baratin : le skin NS est nazi pour pouvoir s'identifier au Mal et aux figures marquantes de la SS, tandis que le skin antifa est de gauche parce qu'il aime se masturber sur Stalingrad et les soviets. Ni l'un ni l'autre ne se rendent compte que, sous un vrai régime totalitaire, ils seraient les premiers à finir dans un bataillon disciplinaire ou dans un camp.
Le milieu skin n'est d'ailleurs pas fragmenté du tout. Malgré ses bastons, dues aussi bien à la violence alcoolisée et aveugle qu'à la haine des uns contre les autres, beaucoup de skins ont retourné leur bomber plusieurs fois. On trouve chez les fafs d'anciens antifas, devenus fafs par fascination pour le mal qu'ils prétendaient combattre, et chez les antifas d'anciens skins fafs, rattrapés par le jugement du petit peuple et le politiquement correct. Un skin peut changer de camp pour toutes sortes de raisons : un de ses potes l'a fait aussi, il a vu une bonnasse en face alors il va la rejoindre... N'oublions pas que le milieu skin est très masculin. Avec son mélange de virilité et d'alcool, il semble repoussant à n'importe quelle fille normalement constituée. Dès qu'une nana y est, elle est obligée de se trouver un mec au sein de ce milieu si elle ne veut pas se faire tout le temps draguer, ou alors elle accepte de se faire passer dessus par tous ces copains, ce qui est souvent le cas.
Skins fafs et antifas ne sont pas des opposés irréductibles mais deux faces de la même médaille rouillée : on peut passer d'un côté à l'autre sans problèmes, et on peut aussi en revenir. C'est selon l'humeur et l'envie. La couleur politique du trip est comme celle du t-shirt : on consomme, on se lasse et on change. Les changements de camp sont légion, preuve que les grandes distinctions politiques ne sont plus rien, réduites à des distinctions de façade dont on se pare pour se faire beau. On se demande où sont passés les soldats politiques vantés par le rock pourri de nos amis les skins...
Bien sûr, il y a aussi les apos. Coincés entre les feufas et les antifeufas, certains skins se veulent apolitiques et axés uniquement sur leur trip. Au moins, ceux-là n'ont pas besoin de connerie politisée pour justifier leur mode de vie, ce qui leur vaut le mépris des antifas, persuadés qu'on doit absolument les rejoindre pour être un homme de valeur. Notons ici une différence flagrante - une fois n'est pas coutume - entre skins fafs et antifas : les fafs traînent volontiers avec des apos, sans leur reprocher de fréquenter parfois des antifas, alors que les rouges fustigent sans cesse les apos parce qu'ils discutent parfois avec les fafs. Cette différence est due au contexte politique. Le faf est diabolisé, il est déjà heureux de trouver quelqu'un qui l'accepte comme il est sans le juger de manière politiquement correcte, tandis que l'antifa a les médias et le PC (politiquement correct) derrière lui, et refuse toute personne qui ne se plie pas strictement à ses vues. Les NS seraient-ils plus tolérants que les anarcho-coco-rougeauds ?
En pratique, les apos sont souvent des grosses tarlouzes. Bien qu'ils soient fiers d'être apos et de ce qui les singularise par rapport aux autres, ils traînent autant avec les uns qu'avec les autres, en se tenant hors de leurs histoires de bastons. Mention spéciale aux apos de Jussieu, une bande de débiles qui change d'idéologie selon ses interlocuteurs. Quand ils traînent avec des fafs, ils disent "ah ouais, nous les antifas on les aime pas, on traîne pas avec eux" et quand ils sont avec des antifas, ils disent plutôt "non, mais les fafs ils sont pas comme nous, c'est nous les vrais skins, nous les fafs on traîne pas avec eux". Ridicule...

La conclusion n'est pas très difficile à tirer. Le mouvement skin est un mouvement de rue, donc une tendance incapable d'aller au-delà de la rue et fière de sa propre incapacité ; c'est un mouvement stupide, consumériste et superficiel, incarnant parfaitement les travers de la société de consommation avec un côté extrême qui permet de les diabolise ; et par ailleurs, ce mouvement est bien utile.
Ben oui : prenez l'exemple de l'ado qui en a marre des racailles de son lycée ou du politiquement correct. Comme il est influençable, il va suivre la voie des médias. Au lieu d'aller dans un mouvement politique normal, il va aller chez les skins dont les médias font leurs choux gras, et ainsi contribuer au mythe du skin violent et organisé. Les journalistes peuvent se vanter d'avoir réussi leur mission conservatrice : grâce à eux, un opposant un peu révolté va devenir un alcoolique consumériste, au lieu de participer à la construction de ce qui pourrait être un véritablr projet. Au lieu de menacer le système, les opposants vont devenir ses idiots utiles, et les médias pourront diaboliser ce qu'ils ont eux-mêmes contribué à créer.
Au fond, les skins ne sont pas responsable de la connerie de leur mouvement. Ils sont cons, ils sont cons, c'est pas de leur faute. Les vrais coupables sont ceux qui les encouragent dans la connerie, qu'il s'agisse du politiquement correct pro-antifa, des commerciaux qui vendent docs et t-shirts et des journaleux qui ont inventé de toutes pièces le mythe du skin NS dangereux pour l'état. Avec tout ça, les skins s'identifient à leur propre mythe journalistique, et ils continuent à tirer le reste vers le bas. Merci Daniel Schweizer !